Pendant longtemps, l’activité physique durant la grossesse a été entourée de doutes, de peurs, de nombreuses idées reçues et de messages contradictoires. Beaucoup de femmes enceintes (et parfois même certains professionnels) s’inquiètent encore : Est-ce que je risque un accouchement prématuré ? Est-ce que je fatigue mon bébé ? « Ne faites pas d’efforts. » « Restez prudente. » « Vous risquez d’en faire trop. »
Pourtant, les recherches menées ces dix dernières années convergent toutes vers un message clair et sans ambiguïté :
- L’activité physique adaptée durant la grossesse n’est pas seulement sans danger, c’est l’un des leviers les plus puissants pour protéger la santé de la mère et du bébé. Et ce, bien plus qu’on ne l’imaginait auparavant.
Ce que montrent les données les plus récentes :
Malgré des recommandations internationales solides , moins de 15 % des femmes enceintes font les 150 minutes d’activité physique modérée par semaine recommandées.(Mottola et al, 2018)
Pourquoi ? Souvent : peur, manque d’information, croyances dépassées.
Ces lignes directrices sont catégoriques et mettent en évidence un ensemble d’effets positifs pour les femmes. Pratiquer au moins 150 minutes/semaine d’activité modérée réparties sur au moins 3 jours réduit significativement les risques de complications : (Meah et al, 2020)
- –40 % de risque de prééclampsie
- –40 % de risque de diabète gestationnel
- –40 % de risque d’hypertension gravidique
- – 40% de risque de dépression
Ces bénéfices apparaissent même à des niveaux d’activité inférieurs aux recommandations, ce qui signifie : chaque mouvement compte, même si l’on commence petit.
Et pour le bébé ? Les bénéfices sont également démontrés:
Contrairement à de vieilles croyances, l’activité physique est même associée à une diminution du risque de macrosomie et améliore les paramètres métaboliques maternels qui influencent directement la santé fœtale. (Clairborne et al, 2024)
Le périnée et la santé musculosquelettique : un enjeu majeur
Les changements hormonaux et biomécaniques augmentent le risque de douleurs lombaires, pelviennes et de fuites urinaires au cours de la grossesse.(Ruchat et al, 2025) Les recommandations internationales rappellent que :
- Le renforcement musculaire, dont celui du plancher pelvien, est essentiel
- Les exercices type Pilates, yoga, renforcement doux, sont hautement recommandés
- Les fuites urinaires peuvent être réduites grâce au PFMT (Pelvic Floor Muscle Training) quotidien.
Un impact direct sur l’accouchement :
Les femmes actives présentent , des accouchements plus courts, moins d’interventions (forceps, ventouse), et un moins grand recours à la césarienne non médicale.(Meah et al, 2020)
L’activité physique est aussi un antidote émotionnel :
Les méta-analyses montrent une réduction significative des symptômes d’anxiété et de dépression et de fatigue chronique chez les femmes actives pendant la grossesse et après l’accouchement. (Davenport et al, 2025) Un bénéfice souvent sous-estimé… et pourtant essentiel.
Quelles sont alors les véritables contre-indications à l’activité physique ?
Même si l’activité physique est bénéfique pour l’immense majorité des femmes enceintes, certaines situations nécessitent de mettre en pause l’exercice d’intensité modérée à élevée, car elles représentent un risque réel pour la mère ou le fœtus.
Il s’agit principalement de conditions sévères ou non contrôlées, telles que :
- maladies respiratoires graves,
- maladies cardiaques sévères ou arythmies non contrôlées,
- décollement placentaire actif,
- vasa praevia,
- diabète de type 1 non contrôlé,
- retard de croissance intra-utérin évolutif,
- travail prématuré actif,
- prééclampsie sévère,
- insuffisance cervicale majeure.
Dans ces situations, l’enjeu n’est pas d’interdire tout mouvement, mais d’évaluer la gravité, d’assurer une prise en charge pluridisciplinaire, et d’offrir des recommandations adaptées. L’objectif reste toujours le même : éviter la sédentarité autant que possible, sans compromettre la sécurité materno-fœtale. (Meah et al, 2020)
Combien bouger ? Les recommandations concrètes:
L’OMS proposent un cadre simple et accessible.(OMS, 2020)
Figure 1 : Lignes directrices de l’OMS sur l’activité physique et la sédentarité,en un coup d’œil.
- 150 minutes d’activité physique par semaine : Cardio léger à modéré : marche rapide, natation, vélo, danse douce, aquagym, Pilates adapté…
- 3 jours par semaine minimum : La régularité compte plus que l’intensité.
- Ajouter du renforcement musculaire : 2 à 3 fois par semaine, ciblé, progressif et encadré.
- Bouger de manière sécuritaire: éviter les sports à risque de chute, éviter les activités causant une douleur pelvienne, éviter les efforts en apnée, adapter selon les symptômes et l’évolution de la grossesse.
Pour conclure, le message est clair : bouger est sûr, bénéfique, et devrait faire partie intégrante de la prise en charge de toutes les grossesses non compliquées : c’est un pilier de santé publique.
En tant que professionnels de santé, du bien-être ou du sport, nous avons un rôle essentiel : informer, rassurer, accompagner et encourager les femmes à bouger intelligemment.
Références :
Mottola, M. F., Davenport, M. H., Ruchat, S.-M., Davies, G. A., Poitras, V. J., Gray, C. E., Jaramillo Garcia, A., Barrowman, N., Adamo, K. B., Duggan, M., Barakat, R., Chilibeck, P., Fleming, K., Forte, M., Korolnek, J., Nagpal, T., Slater, L. G., Stirling, D., & Zehr, L. (2018). 2019 Canadian guideline for physical activity throughout pregnancy. British Journal of Sports Medicine, 52(21), 1339–1346. https://doi.org/10.1136/bjsports-2018-100056
Meah, V. L., Davies, G. A., & Davenport, M. H. (2020). Why can’t I exercise during pregnancy? Time to revisit medical ‘absolute’ and ‘relative’ contraindications: Systematic review of evidence of harm and a call to action. British Journal of Sports Medicine, 54(23), 1395–1404. https://doi.org/10.1136/bjsports-2019-101187
Claiborne, A., Wisseman, B., Kern, K., Steen, D., Jevtovic, F., Mcdonald, S., Strom, C., Newton, E., Isler, C., Devente, J., Mouro, S., Collier, D., Kuehn, D., Kelley, G. A., & May, L. E. (2024). Exercise during pregnancy Dose: Influence on preterm birth outcomes. European journal of obstetrics, gynecology, and reproductive biology, 300, 190–195. https://doi.org/10.1016/j.ejogrb.2024.07.017
Ruchat, S.-M., Beamish, N., Pellerin, S., Usman, M., Dufour, S., Meyer, S., Sivak, A., & Davenport, M. H. (2025). Impact of exercise on musculoskeletal pain and disability in the postpartum period: A systematic review and meta-analysis. British Journal of Sports Medicine, 59(8), 594–604. https://doi.org/10.1136/bjsports-2024-108488
Davenport, M. H., Ruchat, S.-M., Jaramillo Garcia, A., Ali, M. U., Forte, M., Beamish, N., Fleming, K., Adamo, K. B., Brunet-Pagé, É., Chari, R., Lane, K. N., Mottola, M. F., & Neil-Sztramko, S. E. (2025). 2025 Canadian guideline for physical activity, sedentary behaviour and sleep throughout the first year postpartum. British Journal of Sports Medicine, 59, 515–526. https://doi.org/10.1136/bjsports-2025-109785
Organisation mondiale de la Santé. (2020). Lignes directrices de l’OMS sur l’activité physique et la sédentarité : en un coup d’œil. Organisation mondiale de la Santé. https://www.who.int/publications/i/item/9789240014886

